Projet RALIMARE

Recherche-Action sur l'accompagnement LInguistique des adultes allophones à MAyotte et à la RÉunion

 

Thème 1 (majeur) : Plurilinguisme et interculturalité

1A- Interculturalité

1B-Apprentissages en contextes multilingues et éducation au plurilinguisme

Thème 2 (mineur) : Enseignement-apprentissage, savoirs et médiations en contextes

2A- Rapports aux savoirs et littératies

2B-Didactiques et professionnalisation

 

Présentation du projet RALIMARE

Approche comparative de la Réunion et de Mayotte avec pour objectifs de décrire les politiques d'alphabétisation et d'accompagnement linguistique appliquées à l'égard des publics adultes allophones, pas ou peu scolarisés, originaires de la zone OI.

Ce projet s’inscrit principalement dans le thème 1B (Majeure) (Apprentissages en contextes multilingues et éducation au plurilinguisme) et contribue aux travaux du thème 2B (Didactiques et professionnalisation).

Mots clés : illettrisme, analphabétisme, alphabétisation pour des publics adultes, éducation informelle, didactique du FLE, Océan Indien

 

Acronyme : RALIMARE (Recherche-Action sur l'accompagnement LInguistique des adultes allophones à MAyotte et à la RÉunion)

Membres Icare impliqués

Laurent Puren (responsable), Christine Françoise, Fanny Dureysseix

 

Contexte de la recherche 

Le problème de l’illettrisme/analphabétisme à La Réunion est régulièrement dénoncé comme un “fléau” contre lequel les différents dispositifs de lutte mis en oeuvre ces quatre dernières décennies semblent impuissants à venir à bout. Les derniers chiffres connus, révélés par l'enquête INSEE/IVQ de 2011, font état de 116 000 personnes illettrées sur l’île ce qui représentait 22,6 % des 16-65 ans, soit trois fois plus qu’en France métropolitaine. L’étude, en ne mentionnant que les personnes illettrées, celles qui ont donc bénéficié d’une scolarisation, passe sous silence les personnes analphabètes, jamais scolarisées, à moins qu’elles ne soient incluses dans ces statistiques. L'enquête INSEE/IVQ de 2007 était plus lisible à ce niveau en effectuant une distinction claire entre ces deux catégories, les illettrés étant alors estimés à 100 000 et les anaphabètes à 10 000.

La situation à Mayotte est, de ce point de vue, encore plus préoccupante, l'enquête INSEE/IVQ de 2012 révélant que :

  • 31 % des personnes âgées de 16 à 64 ans (nées pour l’essentiel avant les années 1980) n’avaient jamais été scolarisées : parmi elles, 96 % étaient en difficulté à l’écrit ;

  • parmi la population scolarisée, 42 % des 16-64 ans éprouvaient de grandes difficultés à l’écrit.

Les auteurs de l’enquête rapportent un pourcentage de la population mahoraise illettrée s’élevant à 33 %, sans mentionner de statistiques sur le pourcentage d’analphabètes. Cependant, d’après les données ci-dessus, on peut en déduire que celui-ci s’élevait alors à plus de 30 %. On s’approchait ainsi des deux tiers de la population de Mayotte ne maîtrisant pas les compétences de base à l’écrit.

Dans le cadre du projet RALIMARE, nous analyserons les politiques publiques mises en oeuvre à l’échelle de ces deux territoires pour traiter ces problèmes d’illettrisme et d’analphabétisme, en nous intéressant tout particulièrement aux questions didactiques liées aux formations linguistiques proposées aux publics allophones analphabètes, en particulier les adultes mahorais et comoriens à Mayotte et à La Réunion.

 

Cadre théorique

Si les travaux scientifiques français et internationaux sur les questions liées à l’illettrisme et à l’alphabétisation de publics adultes ne manquent pas*, en dehors de quelques rares écrits remontant au début des années 2000 (voir notamment les publications du CARIF-OREF Réunion), ces thématiques ont donné lieu à très peu de recherches dans les deux territoires qui nous intéressent. Dans le cadre de RALIMARE, nous nous inscrivons dans les deux orientations suivantes :

  • Apprentissages en contextes multilingues et éducation au plurilinguisme : la réflexion théorique en didactique des langues portera notamment sur les pratiques pédagogiques mises en œuvre dans les formations pour adultes allophones à Mayotte et à La Réunion ;

  • Didactiques et professionnalisation : il s’agira ici notamment de réfléchir aux questions liées à la formation professionnelle des formateurs intervenant auprès de publics allophones pas ou peu scolarisés.

 

Problématisation et hypothèses

La Réunion et Mayotte constituent des territoires dont les populations ont des pratiques langagières éloignées du français normé qui constitue le seul médium d’instruction ainsi que la langue qui conditionne en grande partie l’insertion professionnelle et sociale (même si dans ce dernier cas les langues locales jouent également un rôle non négligeable) (Wharton, 2006) (Tupin, 2005 et 2007). Cette situation de diglossie (Prudent et al. 2005), dans des contextes fortement plurilingues, se caractérise par des taux d’échecs scolaires importants, des sorties prématurées du système éducatif et, au final, un pourcentage important de la population adulte qui ne maîtrise pas le français, et qui parfois/souvent cumule cette difficulté avec une situation d’illettrisme ou d’analphabétisme.

Quels sont les dispositifs associatifs et institutionnels mis en œuvre pour permettre à ces populations de pallier ces difficultés ? Pour quelle efficacité ? C’est ce que nous chercherons à savoir à travers une recherche qui visera, dans sa phase exploratoire, à :

  • cartographier l'offre de formation pour ces publics à La Réunion et à Mayotte ;

  • analyser les pratiques d'enseignement-apprentissage et les outils/méthodes pédagogiques utilisés par les formateurs ;

  • identifier les besoins de formation des formateurs.

 

Méthodologie et perspectives d’analyse

Entretiens qualitatifs, questionnaires, analyse :

  • de pratiques de classes ;

  • d’outils/de supports pédagogiques ;

  • de curricula.

 

Terrain investigué

Notre terrain d’enquête portera essentiellement sur les cinq entités/partenaires suivants :

  • Organismes sociaux : comment les différents organismes sociaux (CAF, Pôle Emploi, Pôle Insertion, Mission Locale, etc.) gèrent-ils les publics allophones et analphabètes ? Quels outils utilisent-ils pour les repérer et les accompagner et quels parcours leur proposent-ils pour leur permettre une meilleure insertion sociale et professionnelle ?

  • Collectivités territoriales : politiques menées à l’échelle de la région (Réunion) ou du département (Réunion et Mayotte) pour lutter contre l’analphabétisme des adultes allophones. Nous procéderons notamment à une mise en perspective historique des actions menées au cours des quatre dernière décennies en nous intéressant à l’institutionnalisation déjà ancienne de la lutte contre l’illettrisme à La Réunion.

  • Associations accueillant les publics allophones et analphabètes dans le cadre de cours d’alphabétisation : il en existe de nombreuses sur le territoire réunionnais, la situation est moins claire à Mayotte. À La Réunion, certaines de ces associations ont reçu une labellisation “Case à Lire” de la Région. Que proposent ces Cases à Lire, pour ces publics en termes d’approche pédagogique ? Quels sont les outils, les méthodes, les supports utilisés ? Pour quelle efficacité ? Les animateurs sont-ils formés pour accueillir ces publics possédant des besoins particuliers (alphabétisation + FLE) ?

  • Dispositif OEPRE (Ouvrir l’École aux Parents pour la Réussite des Enfants) : piloté conjointement par les ministères de l’Intérieur et de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (dispositif coordonné par le CASNAV). Nous nous intéresserons aux cours donnés à des parents d’élèves relevant du public qui nous intéresse par des bénévoles ou des enseignants en UPE2A.

  • OFII (Office Français de l'Immigration et de l'Intégration) : études des actions de formation/certification linguistique incluses dans le CIR (Contrat d'Intégration Républicaine) signé entre l'État et le migrant qui souhaite s’installer sur le territoire national.

 

Résultats attendus / Retombées 

Il s’agit d’une recherche-intervention qui envisage, à la suite de cet état des lieux :

  • d’accompagner les différents partenaires en leur proposant un étayage scientifique, des conseils méthodologiques et didactiques en lien avec la spécificité de ces publics qui requiert une technicité particulière du fait de la double caractéristique qui les définit (la non francophonie et l’analphabétisme/illettrisme) ;

  • de réfléchir au montage, au sein de l’Université de La Réunion et du Centre universitaire de Mayotte (CUFR), d’offres de formation ciblées FLE/FLS et alphabétisation destinées aux intervenants qui travaillent auprès de ces publics.  

 

Perspectives de valorisation

Publications, communications (dont une communication au prochain Grand Pavois pour une présentation de l’état d’avancée de cette recherche).

 

* Voir par exemple : Lahire, B. (1999). L’invention de l’«illettrisme». Rhétorique publique, éthique et stigmates. Paris :  La Découverte, coll. « Textes à l’appui » ; Abadzi, H. (2003). Improving Adult Literacy Outcomes : Lessons from Cognitive Research for Developing Countries. Directions in Development. Washington D.C. : World Bank. En ligne http://documents.worldbank.org/curated/en/488381468739264375/pdf/multi0page.pdf ; Unesco (2006). Rapport mondial de suivi de l’Éducation Pour Tous (EPT), « L’alphabétisation, un enjeu vital », Paris, Unesco ; Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, n° 12, 2013. Dossier : École, alphabétisation et lutte contre l’illettrisme. En ligne : https://journals.openedition.org/cres/2282